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Bouleversement politique en Alberta (#122)

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  • This post is for Francophone readers who are following this blog in Québec – big political news from Alberta today (is this the end of the Wild Rose Party?), and there are several reasons why these events can be of interest to Québec. 
AVIS:  Lors de la rédaction de ce billet (le 18 décembre, 2014), la vague orange du NPD n’a pas encore balayé la province.  Pourtant, ce billet pourrait vous offrir une partie de l’historique des évènements qui ont mené à la défaite des conservateurs progressistes.

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Wow!  Quelles nouvelles aujourd’hui en Alberta – personne n’y attendait.

D’abord commençons par la fin… Regardez la vidéo à la toute fin (hilarieuse! Je crampe toujours!), puis ensuite continuez la lecture pour comprendre 😉 .


Imaginez-vous la situation suivante – je vous mets la scène :

Au Québec l’Assemblée nationale compte 152 sièges.  Les Libéraux forment la majorité, et le Parti québécois forme l’opposition officielle.

Je vous donne maintenant un scénario fictif.   Imaginez si, il y a 9 mois, dans la tête des électeurs, le gouvernement Libéral, au pouvoir depuis plusieurs années, devenait un parti révolu, et l’opposition récoltait de plus en plus d’appui de la part de la population — et ce depuis deux ans (chaque sondage démontrait que l’opposition arracherait de plus en plus de sièges si une élection aurait eu lieu).

Ensuite, imaginez si Pauline Marois etait toujours la chef du PQ (comme opposition officielle).  Du même coup Jean Charest etait toujours premier ministre jusqu’en mars 2014, mais que les autres députés Libéraux l’auraient forcé de démissionner en raison des dépenses personnelles excessives aux frais des contribuables (n’oubliez pas que je vous présente une situation fictive 😉 ).  À ce moment-là l’opposition (le PQ) avait le vent dans les voiles en raison dudite scandale, et l’opinion publique etait toujours de leur côté, appuyant Pauline Marois.  Ensuite, après le départ de Charest, imaginez si Philippe Couillard etait soudainement venu de nulle part s’emparer des rênes du parti Libéral au début septembre 2014 – à titre du sauveur du parti.  Il avait très vite remis les finances et les règles d’intégrité sur les rails – et ce, seulement dans huit semaines éclaires.  Imaginez par la suite que les cotes d’approbation globale des Libéraux seraient remontées en flèche.

En fin octobre 2014, voici la répartition fictive de sièges à l’assemblée nationale à Québec: sur les 152 sièges, les Libéraux détenaient 106 sièges, le PQ 30 sièges, le CAQ 9 sièges, et le QS 7.

Ensuite, imaginez que situation continue d’évoluer depuis les dernières 7 semaines;

  • les Libéraux arrachaient 7 sièges du PQ lors des élections partielles,
  • 2 députés du PQ démissionnaient pour siéger comme indépendants,
  • 3 députés du PQ abandonnaient leur parti pour se joindre aux Libéraux,

Cela fait qu’en date du 16 décembre (hier), la répartition serait ainsi : 116 pour les Libéraux, 18 pour le PQ, 9 pour le CAQ, 7 pour QS, et 2 indépendants.   Tout le monde serait bouleversé par un si grand changement, et surtout avec la vitesse qu’elle s’est déroulée.

Et alors, ce matin imaginez la situation suivante, tellement inconcevable il y a à peine quelques semaines (ou même hier) :

  • Pauline Marois, en tant que chef du PQ et de l’opposition, de façon complètement inattendue, quitte le PQ pour se joindre aux Libéraux de Philippe Couillard,
  • 8 autres députés du PQ suivent Pauline Marois pour se joindre aux Libéraux
  • Il ne reste que 9 députés au PQ, et de plus, le parti n’a plus de chef.  Les 9 qui restent sont en désarroi, et on soupçonne qu’il pourrait signaler la fin du PQ.

À partir de cet après-midi, la répartition à l’assemblée nationale serait la suivante : 126 pour les Libéraux, 9 pour le PQ (à moins que si demain d’autres députés ne démissionnent), 9 pour le CAQ (égale au PQ — alors, qui maintenant serait l’opposition officielle?  Et le chef de l’opposition?? – personne ne sait), 7 pour QS et 2 indépendants!

Qui aurait jamais cru !!  Wow !!

C’est cette situation qui vient d’arriver en Alberta aujourd’hui- c’est du jamais vu.   La répartition des sièges dans l’assemblée législative de l’Alberta sont aux mêmes proportions que je vous ai donnée (sauf l’assemblée en Alberta ne compte que 87 sièges).

Maintenant, voici la vraie situation :

  • L’ancien chef Jean Charest est en effet l’ancienne Première ministre Alison Redford
  • Le parti Libéral est en effet le Parti Conservateur Progressiste de l’Alberta (PCP)
  • Le nouveau chef Libéral (Philippe Couillard) est en effet le premier ministre actuel Jim Prentice du PCP
  • L’ancien chef de l’opposition officiel, Pauline Marois, est en effet Danielle Smith
  • Le Parti québécois est en effet le Parti Wild Rose (le Parti des roses sauvages de l’Alberta, dont Danielle Smith était leur chef, du moins jusqu’à aujourd’hui)
  • Le CAQ est en effet le vrai parti Libéral de l’Alberta (il est fort possible que cette semaine les vrais Libéraux formeront l’opposition officielle – mais honnêtement, qui sait?  La situation est tellement fluide)
  • Le QS est en effet le vrai Parti néo-démocratique de l’Alberta (et je ne serais pas surpris si le NPD tenterait former une coalition avec les Libéraux de l’Alberta pour bien représenter Edmonton et le nord de la province, une région avec la moitié de la population, et d’où ils tirent leur base)

Comment est-ce qu’une telle situation aurait pu se produire, et quelles implications a-t-elle pour l’Alberta, le Québec et le Canada en général?

Pour répondre à ces questions, il faut comprendre les changements démographiques majeurs qu’a subi l’Alberta au cours des dernières années, et la situation économique actuelle.

Depuis 2000, la population de l’Alberta a bondi de presque un tiers (l’Alberta n’avait même pas 3 million habitants en 2001, mais va dépasser la Colombie-Britannique comme la troisième province la plus populeuse d’ici un ou deux ans – avec 4.4 million habitants) .  Les nouveaux arrivants sont venus de l’étranger (les populations d’Edmonton et de Calgary, qui forment la moitié de la population de la province, sont actuellement composées de 30% à 35% de minorités visibles, un chiffre qui s’accroît toujours).  Mais la plupart des nouveaux arrivées sont venus de l’est du Canada – notamment des provinces de l’Atlantique (il est difficile de trouver une personne dans les provinces de l’Atlantique qui n’ont pas au moins de la parenté proche ou un ami qui vie en Alberta), du Québec (la raison pour laquelle on a des villes comme Canmore dans les Rocheuses avec 5,000 francophones du Québec sur une population totale de 12,000), et de l’Ontario.   Ces changements ont complètement bouleversé les anciennes tendances politiques « conservatrices » de l’Alberta (d’un moins sur le plan de gestion provinciale).   Si le tiers de la population est arrivée au cours des 15 dernières années des régions du Canada qui sont traditionnellement « rouges », un tel changement ne peut que d’avoir un impact majeur sur les tendances politiques de l’électorat.  Même avant 2000, Edmonton comptait déjà une assez grande vague orange et les Libéraux tiraient déjà leurs votes de diverses régions de la province.  Les changements démographiques n’ont fait que d’accentuer ces tendances.

Le Parti conservateur progressiste a reconnu ces changements majeurs et s’est adapté à cette nouvelle réalité.  De nouveaux députés du PCP, plus modérés et progressiste, ont étaient élus, et le PCP a dû s’adapter pour demeurer un parti de choix.   Sous l’ancienne Première ministre Alison Redford, et son prédécesseur Ed Stelmach, le PCP a pivoté sur le plan socio-démocrate, et en parti sur le plan fiscal – pour enfin s’aligner dans un terrain habituellement occupé plus par les Libéraux que par les Conservateurs.

Mais, au cours de la dernière moitié du mandat d’Alison Redford, la population a senti que Redford dépensait à volonté en raison des revenus pétroliers.  Le déficit de l’Alberta montait en flèche, malgré les recettes provenant des revenus pétroliers records, et on sentait qu’elle se croyait comme « ayant-droit » à dépenser à volonté (elle s’est même fait bâtir une résidence officielle aux frais des contribuables, elle prenait des avions gouvernementaux comme s’ils étaient ses propres voitures, elle prenait des vacances aux frais des contribuables, etc.)    Le côté « conservateur fiscal » de l’équation « conservateur progressiste » a fait que la population a vite rejeté cette notion.  Redford était mis dehors par son propre parti – du jamais vu.

Jim Prentice, un homme conservateur « progressiste » de l’équipe Harper à Ottawa, était déjà bien respecté par la population.  Il est apparu  sur la scène pour prendre contrôle du parti, maîtriser les dépenses, et s’adhérer aux nouvelles vagues progressistes de la province (il faut se rappeler que la province est bien plus rouge qu’elle ne l’était il y a 15 ans – presqu’au point qu’elle franchit les lignes d’une province Libérale bleu, ou Conservateur rouge foncé – un peu comme les anciens Conservateurs progressistes fédéraux).

L’arrivée en scène de Prentice, et l’effondrement de l’opposition a été consolidé il y a à peine un mois lorsque les revenus pétroliers ont fait chute libre.   La nécessité de contrôler les dépenses (mais de sauvegarder ce nouvel esprit progressiste rouge) n’était jamais aussi urgente – et Prentice était l’homme du moment.   Aucun parti de l’opposition n’aurait pu faire concurrence.  En effet, le Parti conservateur progressiste lui-même incarne les principes de tous les autres partis combinés, et il les a tout simplement “mangé”, en absorbant leurs adhérents (dans ce sens le PCP de l’Alberta est devenu un parti inclusif des gens de toutes couleurs, un peu comme les Libéraux du Québec – ce qui est en sorte en contraste flagrante avec les Conservateurs fédéraux qui sont plutôt exclutionistes).   Juste pour donner une idée à quel point le PCP change en Alberta sur le plan socio-politique, le Premier ministre, Jim Prentice parle même le français.

https://www.youtube.com/watch?v=-4q_3Yo1v4E

L’ancienne Première ministre Redford parlait elle-aussi le français.  Cela démontre une ouverture d’esprit quand les politiciens en Alberta parlent français.

Le maire de Calgary, Naheed Nenshi, en est un autre;

https://www.youtube.com/watch?v=jlFJfexGSXc).

C’est vraiment un concept de l’Alberta très mal compris par le Québec (et qui serait jamais discuté en publique par certains camps politiques au Québec car il ne serait pas dans leur intérêt).  Lorsque le Québec pense à l’Alberta, il a tendance à regarder la province à travers l’optique de 1980 plutôt que 2014, ou même à travers ce que font les Conservateurs à Ottawa (il faut se rappeler que l’Alberta a subi lui aussi sa propre révolution tranquille – une période de sécularisation rapide et massive, parmi d’autres changements semblables à ceux dont le Québec aurait subi – j’en ai parlé un peu dans mon billet La poussière du temps).

Quant aux implications pour le Canada, je crois qu’elles pourraient être grandes.

D’abord, sur le plan environnemental, le côté progressiste de la population fait en sorte qu’elle veut que le gouvernement trouve des solutions.   Malgré cela, elle ne veut pas que le gouvernement ferme les robinets – je crois qu’elle veut que le gouvernement continue à trouver des moyens d’exporter de plus en plus de pétrole (oléoducs, etc.).  Mais personne ne veut vivre avec une usine polluante dans leur arrière court.  Il y a de la pression qui vient de l’interne afin que le gouvernement provincial investisse d’avantage dans la protection de l’environnement, dans la recherche environnementale, et dans le développement de nouvelles technologies pour résoudre ce problème.  Encore, le Québec oublie souvent que les matières environnementales relèvent en grande partie de la juridiction provinciale ailleurs au Canada, tout comme au Québec (penser au contrôle qu’exerce le Ministère de l’environnement du Québec et le BAPE… Ce n’est pas le gouvernement fédéral qui intervient à ce niveau au Québec, et ce n’est pas le fédéral non plus qui intervient à ce niveau en Alberta).   L’Alberta est en train d’investir massivement dans des projets de recherche et de contrôle des polluants.  Il a entamé une bourse de carbone – même avant le Québec.  C’est le peuple de l’Alberta qui en veut, et il s’en sert de son gouvernement provincial pour s’assurer que la situation continue de s’améliorer.   Alors, du côté personnel, je demeure toujours un peu bafoué de voir les médias québécois et les gens comme Gabriel Nadeau-Dubois ou Marie-France Bazzo parler comme s’il devrait être Harper qui contrôle lui-même la situation – tandis qu’il relève à la province (imaginez si Harper essayait prendre contrôle des matières qui relèvent au Ministère de l’environnement du Québec ou le BAPE, ou le forage, or les règlements de pollution ou exploration pétrolière au Québec?).   Ces mêmes gens et mêmes médias ne parlent jamais des améliorations à vitesse éclaire que fait le gouvernement albertain ou la pression qu’exerce les albertains sur leur propre gouvernement.  C’est bizarre – vraiment bizarre.   Mais, à la fin de la journée, les changements sur le front d’investissement environnemental ne peuvent qu’être de bénéfice nette (en termes environnementales et financières) à tout le pays, y compris pour le Québec.  Il y a bien sur beaucoup du travail à faire (ça, je n’ai jamais sous-estimé).  Mais le gouvernement albertain, je crois bien, du moins va dans la bonne direction avec beaucoup de resources derrière lui.

Une autre implication pour le Canada serait une coopération accrue de la part du gouvernement de l’Alberta vis-à-vis les autres provinces.  La population Albertaine s’est carrément transformée en population pancanadienne au cours des 15 dernières années, venue de partout au Canada.   Cet esprit est même palpable dans les rue de l’Alberta.  J’ai moi-même remarqué un très grand changement d’attitudes au cours des dernières années.   En Alberta, on a tendance maintenant de parler de ce qui se passe ailleurs au pays parce qu’on vient d’un peu partout au pays.  Ce concept est peut-être un peu difficile de comprendre si on n’a jamais mis pied en Alberta.  Si on garde toujours les vieux préjugés envers l’Alberta, on garderait vivant un paradigme qui n’est ni juste, ni équitable.  En effet, en septembre à Charlottetown, on a récemment vu la rencontre des premiers ministres la plus productive dans l’histoire du Canada (malgré l’absence de Harper).  Peu importe s’il s’agissait d’un(e) premier(e) ministre néo-démocrate, Libéral(e), du Parti conservateur progressiste ou autre (Parti saskatchewanais, etc.), ils ont pu travailler ensemble, pour la toute première fois, comme s’ils étaient fait de la même étoffe.   On a facilement conclu des ententes et des plans qui auraient été tout un défis il y a dix ans.   Le nouvel esprit d’ouverture du Québec et de l’Alberta a joué un rôle non négligeable.

Le parti fédéral Conservateur tend l’oreille à l’Alberta.  C’est leur base.  Si l’Alberta continue d’avancer sur le plan socio-progressiste, de l’ignorer serait au péril des Conservateurs fédéraux.  On voit déjà des indices, en Alberta même, des changements possibles au niveau de certaines circonscriptions fédérales lors des prochaines élections (prenons la circonscription de Fort McMurray par example — en plein coeur des sables bitumineux… les sondages indiquent qu’il est fort possible que cette circonscription ira aux Libéraux fédéraux au cours de la prochaine élection).   À l’échelle du pays, ¨personne ne peut prédire ce qui va arriver lors de la prochaine élection fédérale (Conservateur ou Libéral majoritaire?  Conservateur ou Libéral minoritaire?  Personne ne sait).  Mais chose certaine, il y aura quand-même un changement, et les Conservateurs doivent changer leur façon de faire s’ils veulent écarter des répercussions graves (non seulement ailleurs au Canada, mais en Alberta même).    Jim Prentice a déjà montré son côté progressistes à quelques reprises au cours des dernières semaines (afin de préserver certaines programmes et idéologies assez progressistes en Alberta, malgré des décisions fiscales difficiles qu’il va devoir prendre suite à la chute du prix du baril de pétrole).  Mais plus important, et il a l’oreille du Premier Ministre Harper.  Une telle situation doit y avoir une influence.

Compte tenu de ce qui se passe en Alberta, et la vitesse avec laquelle la situation évolue, cette année électorale sera très intéressante, ça je vous le jure.   (J’ai hâte de rentrer pour Noël et de voir mon gang de chums – c’est sur que ça fera pour de belles conversations !!)

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5.edm

ADDENDUM 2014-12-18:  Si vous voulez lire des nouvelles pas mal intéressantes qui vont de concert avec beaucoup de choses que j’ai mentionné ci-dessous, le Huffington Post Alberta présente tout un meli melo de points de vue (de partout sur le spectre).   Leur site web est le http://www.huffingtonpost.ca/alberta/ (Vous allez remarquer une assez grande différence entre le style du Huffington Post Alberta et le Huffington Post Québec par exemple, ce qui est d’ailleurs en français).

Certains billets pertinents au “Huff” d’aujourd’hui:

ADDENDUM 2015-02-06

The following video, relating to all of the above, is going viral in Alberta… Sooooooo funny!  Almost peed my pants!

ADDENDUM 2015-02-23

A very interesting political analysis from CBC, regarding where things may go from here:  http://www.cbc.ca/news/canada/edmonton/jim-prentice-does-he-plan-to-stay-in-the-premier-s-office-1.2966720

ADDENDUM 2015-05-05

Le gouvernement progressiste conservateur de Alberta a été défait aujourd’hui.

Le fait que Prentice a accepté une grande partie de l’opposition dans son cabinet serait surement une des raisons (parmi d’autres).

Vous pouvez vous référer à la série sur les préjugés à l’égard de l’Alberta pour en savoir plus sur l’humeur de l’électorat qui reignait en Alberta lors de la défaite des PC.

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(French / Français) SERIE:  LES PRÉJUGÉS À L’ÉGARD DE L’ALBERTA (6 billets)

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