This is the French version of the last post: Comparisons can be a good thing (#137)
De se faire des comparaisons avec d’autres places est une arme à double tranchant.
À plusieurs reprises, je faisais des voyages outremer, hors des sentiers battus, avec des amis qui ne sont pas habitués de voir des places où les conditions sanitaires ne sont pas à la hauteur. Inévitablement, le “jeu des comparaisons” se présenterait à un moment ou l’autre. C’est un réflexe naturel de dire “J’aimerais mieux que cette place serait plus hygiénique… Je ne fais pas confiance à la bouffe… Les toilettes ici ne sont pas comme chez nous… Les gens ne sont pas aussi polis que chez nous”, etc. etc. Au risque de paraître paternaliste, à un moment donné je m’immiscerais pour dire qui vaut mieux de ne pas fixer les yeux par terre et d’arrêter ce jeu des comparaisons négatives – car on était tous là pour apprécier (et non dénigrer) les lieux et cultures dans lesquels nous nous trouvions. Autrement, on risquerait de manquer le bon côté des choses – ce qui est, justement, la raison pour laquelle on y était. Ceci est un exemple du côté négatif lorsqu’on fait des comparaisons.
Mais à l’envers de la même médaille, de faire des comparaisons pourrait servir à quelque chose de bon! On pourrait s’en servir des comparaisons pour voir ce que nous avons en commun à cet égard. Dans le contexte canadien, en raison de notre dualité sociolinguistique, de se faire des comparaisons a quand-même ses mérites. Les comparaisons nous font apprécier nos différences. Elles nous font constater nos valeurs communes, et elles peuvent servir à nous faire célébrer notre dualité sociolinguistique, tout en l’incorporant dans nos propres vies (avec toutes les différences et similitudes qui viennent avec).
Les comparaisons ne devraient pas nécessairement avoir rapport à des statistiques époustouflantes ou des différences stupéfiantes, du genre qui font la une des nouvelles sensationnelles. Parfois il ne suffit que de faire des comparaisons simples et modestes afin de trouver du terrain d’entente, qui a comme effet de vous vous faire sentir chez vous n’importe où au Canada.
Je vous donne un exemple simple, même au point d’être un peu quétaine (mais c’est ce genre d’exemple qui pourrait en dire long)… Il y a un couple de jours, j’ai conduit trois heures de route d’Edmonton à Calgary sur l’autoroute 2 en Alberta (ce qu’on appelle le Corridor Edmonton-Calgary). Il y a à peine deux semaines avant, j’ai fait le trajet de trois heures sur l’autoroute 20 entre Québec et Montréal. Sur plusieurs plans, ces deux trajets sont remarquablement semblables. Les paysages sont très très semblables. L’Esthétique des fermes, et même des détails aussi banals que des bosquets d’arbres sont carrément les mêmes. Le plan urbain des villes qui longent l’autoroute 2 (en Alberta) et la 20 (au Québec), ainsi que les services qu’elles offrent, l’architecture des édifices qui sont visibles de la route, la densité du trafic – en fait, tout détail – se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Les deux trançons qui relient les deux grandes villes respectives dans chacune de ces deux provinces sont à ce point similaires que si ce n’était que pour l’affichage en anglais en Alberta, et en français au Québec, on ne saurait pas dans laquelle des deux provinces on était. J’ai parcouru le Canada en voiture à plusieures reprises, et très peu d’autoroutes partagent autant de similitudes que celles qui relient Québec à Montréal, et Edmonton à Calgary.
C’est curieux comment une chose aussi simple et anodine qu’un trajet familier de trois heures peut vous faire instantanément ressentir que vous êtes sur votre propre territoire. Même quand vous sortez de l’autoroute pour entrer dans une ville telle Drummondville (au Québec) ou Red-Deer (en Alberta), vous avez encore la sensation d’être chez vous. Les gens dans les villes de ces tailles (40,000 à 120,000) ont tous grandi dans le même système; même système d’éducation, une économie semblable (ils partagent les mêmes enjeux économiques), accompagnés des mêmes défis dans la vie, les mêmes milieux d’emploi, et en gros ces gens sont fait de la même étoffe – peu importe où il se trouvent au Canada (oui, il existe des nuances et subtilités dans les programmes sociaux entre le Québec et l’Alberta, mais sur une échelle globale de 360 degrés, ces différences ne comptent que pour 3 ou 4 degrés. Globalement, c’est ne pas grande chose). Cependant, si vous conduisez quelques heures vers le sud aux États-Unis, bon, les villes là-bas vous donneraient une sensation “très” différente – une différence plus que palpable.
C’est ce genre de comparaisons qui peut combler les écarts et qui nous donne du terrain d’entente. Se sont du même coup ce genre de comparaisons qui vous donnent l’incitation d’apprendre davantage sur nos compatriotes, notre pays, et d’apprécier les différences existentielles qui y existent.
Ce que je trouve le plus intéressant dans l’équation que je viens de vous décrire, c’est que les villes telles les Drummondville du Québec ou les Red-Deer de l’Alberta constituent une très grande partie de non seulement ces deux provinces, mais également l’intégrale du territoire canadien. En effet, les villes comme Montréal, Québec, Calgary ou Edmonton sont des anomalies sur l’échelle nationale — dans le sens qu’elles sont des “îlots”, chacune avec son propre caractère (ce qui est tout à fait naturel, car Lyon n’a pas du tout le même caractère que Bordeaux, Manchester n’a pas du tout le même caractère que Birmingham, et Phoenix n’a pas du tout le même caractère que Boston)… mais chacun de ces îlots uniques sont entourés d’une mer de petites villes comme les Drummondville, Red-Deer, Trois-Rivières, et Lethbridge du Canada. Si les villes îlots sont les fleurs da la couette nationale, ce sont ces autres villes et leurs habitants qui font les coutures et l’étoffe de la couette.
Une autre chose que je trouve super intéressant (plus souvent qu’autrement), c’est qu’il ne faut pas s’éloigner très loin pour trouver des différences sensationnelles, desquelles on pourrait incorporer dans nos propres vies comme partie de notre propre héritage culturel à nous tous. Hormis certaines différences culturelles, il existe bien sûr des différences en termes de géographie.
Un peu en dehors de l’autoroute 20, il ne suffit que de conduire une autre deux heures au nord de Québec pour traverser la très charmante région de Charlevoix. J’ai pris la peine d’y passer un peu de temps il y a trois semaines (il faisait déjà un bon bout de temps depuis mon dernier passage dans le coin, alors le temps est venu d’y rentrer). Je me suis profité pour faire un arrêt au centre de ski Mont-St-Anne, et simplement profiter innocemment de la vie et le paysage que seulement la région de Charlevoix pourrait nous offrir.
Dans le même ordre d’idée, on n’a qu’à sortir de l’autoroute 2 au niveau de Calgary, et de conduire une autre deux heures pour être en pleine territoire des Rocheuses. Plutôt cette semaine-même je l’ai fait avec des amis de l’Ontario.
Et, comme en Charlevoix, dans les Rocheuses on y est entouré des centres de ski…
… Je suppose que cela signifie que même lorsqu’on est entouré de très grandes différences d’une région à l’autre, on est quand-même toujours entouré des points de repère communs à nous tous. Profitons-en, ils nous appartiennent! 🙂
Les photos qui accompagnent ce billet se trouvent à la fin du billet précédent.