Aujourd’hui est le 200ième anniversaire de la Bataille de Waterloo dans laquelle Napoléon Bonaparte fut défait (18 juin 1815).
Au cours des années qui ont mené à la bataille de 1815, une grande partie de l’Europe était sous contrôle de la force de l’armée de Napoléon. L’Empire britannique se heurtait depuis longtemps à un blocus qui avait anéanti la libre expansion de ses aspirations. C’était la politique d’encercler, voire étrangler l’Empire britannique et de la couper de ses ressources. L’influence de l’Empire paneuropéenne de Napoléon s’étendait si large que même des pays dits neutres se sentaient la pression de couper les vivres à l’Empire Britannique.
Afin de ne pas être suffoquée, l’Empire britannique a fait appel à ses colonies outremer de se mobiliser. En pratique, cela voulait dire que le Canada lui aussi s’est mobilisé de sa façon. Il est important de ne pas oublier que ce qui constitue la région du Québec moderne se trouvait, au début des années 1800, au noyau des colonies canadiennes (en termes de taille, de démographie, et de l’industrie).
Au tout début des années 1800, le Canada était un pays d’habitants agraires et de fourrures – dont une grande partie était des canadiens français. Mais la mobilisation britannique contre Napoléon a fait en sorte que le Canada s’est transformé en pays avec une économie « internationalisée ».
Cette transition s’est fait en raison de l’explosion de l’industrie du bois dans la vallée de l’Outaouais, et de la production du blé à exporter des terres-basses du Saint-Laurent. Nonobstant les évènements plus récents telle la révolution industrielle, l’économie numérique et l’ère de l’économie globale, cette première « internationalisation » de l’économie canadienne – par voie des industries du bois et du blé exportable – en serait une qui changerait à jamais le cours de l’histoire du Québec et du Canada.
(Ci-dessous) La Vallée de l’Outaouis au centre de laquelle se trouve la ville capitale du Canada, Ottawa.
La vallée de l’Outaouais fut une énorme région de pins. Afin de sauver l’Empire britannique d’une mort à asphyxie économique aux mains de Napoléon Bonaparte, les pins de la Vallée de l’Outaouais furent récoltés et servaient de matériel de base pour la construction des grands navires britanniques.
Au début des années 1800, cette activité de la récolte des pins donnait lieu à la naissance de la ville d’Ottawa (Bytown), jadis une ville à base de l’industrie du bois. N’eût été l’activité forestière de cette région à grande échelle, le sort d’Ottawa serait questionnable. L’Est de l’Ontario ne se serait pas développé, et il serait à chacun à deviner ce qui aurait pu être la ville capitale du Canada de nos jours.
Les navires de la grande marine marchande, ainsi que d’autres navires (militaires entre autres), tous à destination à l’Empire britannique, furent construits à la ville de Québec des pins transportés de la Vallée de l’Outaouais.
À cette époque-là, la ville de Québec comptait une population anglophone bien au-delà des pourcentages d’aujourd’hui. Au cours des années 1800, la population anglophone de Québec atteignait un niveau au-dessus de 40% de la population totale. Même aujourd’hui, si vous alliez cheminer les anciennes ruelles de Québec, vous trouveriez toujours des plaques en pierre affixées aux vieilles édifices qui datent d’il y a 130 à 200 ans et qui portent les noms des grandes compagnies et noms anglais de l’époque.
Le port de Québec devint la plaque tournante de la construction navale internationale en Amérique du nord – développé par, et à l’usage de l’Empire britannique. Sans ces chantiers navals, une bonne partie de ce que comprend la vieille ville de Québec, ses remparts, et son quartier portuaire n’existerait pas (Forts du legs laissé par l’effervescence des années 1800, la prochaine fois que vous vous rendez visite à Québec pour le tourisme, vous pouvez remercier, en grande partie, les évènements qui menaient à la bataille de Waterloo pour beaucoup de ce patrimoine culturel).
(Ci-dessus) Des édifices typiquement commerciales à Québec, issues de l’ère économique affiliée aux évènements de l’époque la bataille de Waterloo
Parmi les grandes sociétés naquit de la nécessité d’approvisionner l’Empire britannique du bois dans la construction des navires fut le « Price Lumber Company ». C’est une compagnie qui existe toujours, mais maintenant sous le nom de « Résolu » – une des plus vieilles sociétés régénératives du Canada. Au départ, la « Price Lumber compagnie » est devenue
- “Price Brothers and Company”, qui devint plus tard connue sous le nom de
- “Abitibi-Price”, qui devint plus tard connue sous le nom de
- “Abitibi-Consolidated”, qui devint plus tard connue sous le nom de
- “AbitibiBowater”, et qui est aujourd’hui connue sous le nom de
- “Résolu Produits forestiers”.
Résolu est une société forestière de plusieurs milliards de dollars et une entreprise clé du Canada moderne. Avec son siège social à Montréal, elle est cotée à la bourse de New York et elle compte des opérations à travers le Canada et les États-Unis.
Outre l’industrialisation massive liée aux nouveaux chantiers navals de l’industrie forestière, on peut constater l’émergence de la bourgeoisie canadienne anglaise. Au moment des exploits de Napoléon, Montréal fut la seule ville majeure du Canada. La ville de Québec fut la deuxième ville en importance au Canada (peut-être avec Halifax comme sa rivale la plus proche). Toronto n’apparaissait même pas sur les écrans radars, et l’Ouest n’existait même pas en forme substantif.
Il était naturel que Montréal soit devenue la plaque tournante pour la nouvelle bourgeoisie canadienne anglaise. Les francophones, pour la plupart, ne vivaient pas à Montréal. Ils vivaient plutôt dans les petits centres dans les régions rurales. Désormais, Montréal est devenue une ville « anglaise » de l’époque.
La part du lion de l’ancienne architecture et l’ancien caractère que l’on voit aujourd’hui à Montréal est issu du financement de l’époque des nouvelles industries « internationales » du Canada. Les nouvelles industries forestières et les nouveaux chantiers ont fait que Montréal est devenue le centre des banques, des usines, du commerce intérieur, la source des routes de transport – et, d’autant plus important, le point d’émergence des grandes familles Anglo-Saxonnes (dont les noms circulent encore dans le monde des affaires montréalaises). Ce fut l’établissement d’une base solide d’une nouvelle économie sur les territoires qu’occupent aujourd’hui le Québec et le Canada.
(Ci-dessus) Des édifices typiquement commerciales à Montréal, issues de l’ère économique affiliéé aux évènements de l’époque la bataille de Waterloo
Ce deuxième front économique sur sol canadien servait à supporter l’Empire britannique contre l’offensive de Napoléon. Mais encore plus important pour le Canada, ce nouveau front économique a suscité des effets secondaires qui ont mené à un des changements de société les plus grands et les plus importants dans l’histoire du Canada et de l’Amérique du nord : la nouvelle « identité canadienne britannique ».
Avant 1815, le Canada était essentiellement peuplé de francophones (d’un océan à l’autre). Même les territoires qu’occupe actuellement l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba étaient principalement francophone jusqu’aux années 1870). Le pays était également peuplé d’amérindiens, des immigrants loyalistes (qui fuyaient les États-Unis et qui se sont établis dans les Comtés de l’est du Bas-Canada et dans le coin du Comté du Prince-Édouard sur les bords du Lac Ontario) et des colons anglo-saxons dans ce qui sont maintenant les parties les plus à l’est des provinces Atlantiques. On pourrait se dire qu’avant 1815, sur la surface, le Canada n’avait pas « d’esprit britannique ».
Que nous soyons anglophones ou francophones, aujourd’hui au Canada, nous ne nous considérons pas du tout britannique. Nous n’estimons même pas porter des spécificités d’esprit britannique (bien sûr, il nous reste certaines « canadianisations » de certaines traditions britanniques d’antan – mais on les considère plutôt des traditions canadiennes d’adoption, affiliées aux racines de l’Angleterre d’antan, mais qui, sur sol canadien, ne s’identifient plus comme des traditions britanniques en soient).
En temps modernes, cela fait qu’il existe un pare-feu mental dans l’esprit des canadiens – un qui sépare les anciennes traditions en sol canadien de la Grande-Bretagne. Pour les canadiens de nos jours, de se faire appeler « Britannique » est une notion révolue, erronée, bizarre, voire « étranger ». C’est une notion que l’on associe peut-être à la génération de nos arrière grands-parents anglophones – surtout ceux qui vivaient dans l’est du Canada (et j’ajouterai que celle-ci est souvent un principe difficile à comprendre pour certains nationalistes québécois indépendantistes [mais pas tous]; dû en partie à la barrière linguistique et dû en partie au fait de ne pas avoir voyagé/vécu ailleurs au Canada).
Cependant, la “Britishification” (nouveau mot??) du Canada durant les années qui suivaient la bataille de Waterloo était bel et bien un phénomène bien réel – un qui portait une arme à double tranchant. Le progrès économique a apporté une migration économique massive, une qui était britannique. Mais cette migration britannique a donné lieu au contre-mouvement du nationalisme canadien français (duquel on ressent toujours les répercussions à nos jours; le nationalisme Québecois et le mouvement moderne indépendantiste).
Lors de la défaite de Napoléon à la bataille de Waterloo en 1815, des dizaines de milliers de soldats britanniques, ainsi que des centaines de milliers de travailleurs britanniques se voyaient libérés (directement ou indirectement) des efforts de guerre contre Napoléon. De plus, la marine guerrière britannique s’est vue transformer en marine marchande.
Désormais, durant les décennies après 1815, le Canada a accueilli un afflux massif de colonialistes britannique “nouvellement libéré à la recherche de nouvels horizons et de nouvelles terres” (provenant de l’Écosse, de l’Angleterre, du Pays de Galles, et de l’Irlande).
Pendant la période des 125 ans qui suivaient la bataille de Waterloo, le Canada anglais s’identifiait plus avec la Grande-Bretagne qu’avec une identité canadienne propre. Cette identité « britannique » perdurerait dans l’esprit du Canada anglais jusqu’à la première partie du 20ième siècle (il ne fallait que d’attendre la période d’après-guerre de la première guerre mondiale avant que cette notion ne change, et qu’une identité canadienne, propre au Canada, se forgait dans l’esprit des gens).
Aujourd’hui vous allez sans doute entendre parler des évènements commémoratifs entourant la défaite de Napoléon à la bataille de Waterloo il y a 200 ans, jour pour jour. Je vous invite à réfléchir à quel point cette série d’évènements a eu un effet sur le Canada, avant la bataille, tout comme après.
Les industries, l’internationalisation, la trame sociale, les tissus culturels et ethniques, ainsi que les sentiments nationalistes du Québec et du Canada (des deux côtés de la ligne linguistique) ont tous été grandement influencés par les reverberations économiques de l’ère guerrière de Napoléon (bien au-delà des actions ou de l’idéologie de la guerre elle même).
Il suffit de dire que la bataille de Waterloo fut un évènement qui marqua à jamais l’histoire du Québec et du Canada, tout comme l’Europe – mais par les moyens et les façons bien différents qu’en Europe.