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Immigration et certaines prises de position des associations francophones hors Québec (#342)

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Vous vous souviendrez peut-être du billet que j’avais écrit sur les formations francophones quasi-politiques qui existent dans chacune des provinces et des territoires hors Québec :  (billet en anglais, Official Francophone Representation Outside Québec).

Hier, j’ai vu une vidéo par rapport au nouveau phénomène d’immigration francophone dans l’ouest du pays, en particulier en Alberta.

Lorsque j’ai quitté l’ouest il y a plus que 15 ans, ce genre de mouvement d’immigration n’existait pas.

Ça m’a fait réfléchir un peu aux prises de position des organismes francophones quasi-politiques, telle celles de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA).

À chaque fois que je rentre dans l’ouest du pays, parfois deux ou trois fois par année (que ce soit à Edmonton, à Régina ou ailleurs), le “visage” de la francophonie change de plus en plus – c’est bien visible.

C’est encourageant et c’est du jamais vu depuis 100 ans (de 2001 à 2011, la population francophone de l’Alberta s’est vu accroître de 14,5% selon le dernier recensement).  C’est fort intéressant.

Sur ce même thème, sans vouloir trop y pencher, je vous présente le lien d’une autre vidéo; une entrevue à TFO (le diffuseur publique francophone de l’Ontario, l’équivalent ontarien de Télé-Québec).

Dans cette prochaine vidéo, l’ancienne présidente de la FCFA penche sur plusieurs sujets (Marie-France Kenny n’est plus à la tête de l’organisme depuis cet été).  Sa réponse à la question “Est-qu’on peut vivre aussi bien dans l’ouest du pays qu’en Acadie?” m’a fait soulever un sourcil.

Je dois avouer que moi-même, j’étais un peu étonné de constater qu’elle ne mâchait pas ses mots envers ses observations entre l’est et l’ouest du Canada (compte tenu de son rôle très médiatisé).  Cependant, sa façon de voir les Anglophones de l’ouest du Canada est tout à fait différente. Intéressant pour dire le moindre.

Cette question spécifique est posée à 5:43, et sa réponse dure jusqu’à 8:07. Ça vaut la peine d’écouter cet extrait.

D’ailleurs, au cours de l’entrevue, elle parle des défis des communautés francophones hors Québec.

Malgré mon optimisme personnel, j’avoue que les défis demeurent bien réels – mais c’est certainement mieux qu’avant, surtout avec l’arrivée de l’internet et les possibilités qu’il présente (du côté économique, social, et politique).

À mon avis, plus souvent qu’autrement la responsabilité de préserver et de promouvoir sa langue tombe sur les épaules des francophones hors Québec eux-mêmes… car si une personne “lâche” le français, ce n’est pas forcément la faute des Anglophones.

Du même coup, je dois dire que j’avais l’impression depuis des années que Mme. Kenny penchait trop peu sur le positif, même lorsque le positif lui sautait aux yeux (peut-être une manque de balance dans ses entrevues et discours — mais en revanche il faut reconnaître son rôle de “batteuse de profession”)… mais c’est juste mon opinion à moi.

En même temps, pour la santé du pays, j’étais toujours confondu s’il était mieux d’avoir

(1) un niveau accru du bilinguisme français/anglais chez les anglophones hors Québec, ou

(2) un niveau accru du nombre des francophones hors Québec (car on lorsqu’on retire Toronto et Vancouver de l’équation, on constate que le taux du bilinguise chez les anglophones ailleurs au pays est en pente ascendante.  Il faut retirer Toronto et Vancouver du jeux des chiffres car ces deux villes accueillent la plupart des immigrants « anglos » récents au pays – et la première génération n’a pas encore eu l’habilité d’envoyer leurs enfants en immersion française comme ailleurs au Canada).

En écoutant les discours de Mme. Kenny au cours des années, elle me porte à croire qu’elle etait de l’avis que la deuxième question fût primordiale.

Cependant, je ne suis pas certain d’être en accord.  Je suis plutôt de l’avis qu’un mélange soit préférable – un point équitable si vous voulez – et qu’il faut encourager ces deux tendances en même temps (l’une avec l’autre).

Une bonne partie des changements positifs des années récentes est due au fait qu’il existe une population anglophone de plus en plus bilingue.  Une telle population bien sûr serait plus réceptive et accueillante envers l’évolution et la protection du fait français au Canada.

Dans cette même veine, j’ai toujours pensé que l’accent « économique » des organismes, telle la FCFA ,était mal placé ou quasi non existant.

Plus tôt cette année, devant le Comité permanent des langues officielles du Sénat, l’ancienne présidente de la FCFA avait plaidé l’aspect négatif qu’apporte l’immigration anglophone à la population proportionnelle des communautés francophones hors Québec (c’est-à-dire – et je n’ai pas les chiffres exactes devant moi – si le Canada reçoit deux immigrants anglophones pour chaque 1.2 enfants francophones nés au Canada à l’extérieur du Québec, on verrait l’impact négatif au cours des générations à venir).

Sur la surface, je suis d’accord avec le constat de Mme. Kenny.  Mais c’est quant à sa position sur les solutions que je ne suis pas en accord.

À titre de présidente de la FCFA, elle était de l’avis que le gouvernement du Canada devait augmenter massivement le taux d’immigration francophone au Canada anglais pour contrer ces tendances.  Elle voulait que le gouvernement fédéral entame des programmes d’immigration qui visent mieux les immigrants francophones afin de les accueillir dans les villes hors Québec.

Elle a laissé croire que si les programmes d’immigration seraient mieux que ceux qui existent maintenant, les immigrants francophones débarqueraient au Canada anglophone à grand pas.

Là, je ne suis pas d’accord.

J’aimerais vous proposer une analogie.

En Finlande, on parle le finlandais dans la plupart du pays, mais on y parle également le suédois comme langue principale protégée dans l’état de l’Åland, une partie du sud-ouest du pays (une mini-version de la réalité linguistique du Canada, mais avec le suédois et le finlandais comme exemples).

Si vous parliez déjà le suédois mais non pas le finlandais, et si par hasard vous alliez vous installer en Finlande, iriez-vous vous installez dans la partie suédophone (où là langue suédoise de travail est protégée)? Ou iriez-vous dans la partie finlandophone, là où il serait plus difficile de trouver un travail selon votre expérience et compétences antérieurs  en suédois? (n’oubliez pas que vous ne parlez pas le finlandais).

Bien sûr que vous n’allez pas choisir de s’installer dans la partie finlandophone, et ce même si le gouvernement finlandais vous ouvrirait les portes d’immigration grandes ouvertes en raison de votre connaissance du suédois.

Pour vous, en tant qu’immigrant(e) qui doit s’installer et gagner votre pain le plus rapidement possible (car vous avez une famille à nourrir et loger malgré tout), de s’installer dans la partie finlandophone n’a très peu de bon sens (peu importe la bonne foi et la grandeur de n’importe quel programme d’immigration entamé par le gouvernement finlandais).

Votre premier choix serait de s’installer dans la région suédophone.  C’est la nature humaine.

Pour reprendre ce même exemple:   En tant que suédophone, si dans la partie finlandophone il vous serait possible de trouver un emploi « comparable » en suédois, du genre que vous pourriez trouver dans la partie suédophone, dans ce cas-ci vous seriez peut-être plus apte et ouvert à l’idée de s’installer dans la partie finlandophone.

Mais si vous êtes mécanicien, nutritionniste, courtier d’assurance, banquier, chauffeur de camion, coiffeur, travailleur dans un Tim Hortons, comptable, avocat, recherchiste, ou caméraman suédophone, et vous croyez ne pas pouvoir trouver du boulot dans votre langue dans la partie finlandophone, vous allez écarter toute possibilité de s’y installer (surtout si la plupart des postes suédophones dans la partie finlandophone ne sont que des postes limités au secteur publique, ne sont pas dans votre métier d’expérience, et ne vous satisfont pas / ne correspondent pas à vos désirs non plus!).

Alors la problématique se pose concernant la solution.

Je suis de l’avis que la solution ne se trouve pas dans l’encadrement de nouveaux programmes d’immigration (même les programmes d’immigration les mieux bonifiés au monde n’auraient qu’un impact minime).

Je suis plutôt de l’avis que la création d’emplois en français dans le secteur privé demeurre la baguette magique.

Il y aurait une certaine remédiation à toutes les problématiques reliées à la croissance de la francophonie pancanadienne si les francophones (et les francophiles d’ailleurs) créaient eux-même, et trouvaient plus facilement, des emplois en français, dans tous les domaines privés, là où ils se trouvent au Canada.

Mais bizarrement, la question économique et la création d’emplois en français est une discussion qui ne se fait pas publiquement de la part des organismes francophones — du moins comme cible primaire.

Devant le public, ce sont leurs réclamations pour plus de programmes d’immigration qui semblent toujours être au première loge.  Mais une telle discussion est mal placée à mon avis.

Il faut faire une réingénerie du marché si on veut créer des emplois en français hors Québec (je répète:  si on veut “vraiment” les créer).  Une mini-révolution tranquille « économique » hors Québec est possible sur plusieurs niveaux afin de déclancher une telle restructuration:

  • On pourrait créer un fonds de solidarité francophone pancanadienne pour les cotisations des entreprises francophones hors Québec (cela pourrait remplacer le rôle de revenu Canada dans ce domaine, et pourrait inciter les entreprises francophones à continuer d’opérer en français hors Québec si, en revanche, on leur offre des avantages sur la taxe sur la masse salariale).
  • On pourrait fonder une banque de développement d’affaires francophones spécifiquement pour les entreprises hors Québec qui prouvent que leurs opérations internes se déroulent presque uniquement en français.
  • On pourrait créer une société d’assurance pancanadienne francophone avec des branches partout au pays.
  • On pourrait financer des cliniques médicales francophones, et de les loger dans les hôpitaux anglophones à travers le pays (il existe des cliniques de langue anglaise dans les hôpitaux chinois en Chine pour les étrangers, alors pourquoi ne pas implanter un système semblable au Canada anglais pour les francophones?)
  • On pourrait offrir une aide financière au niveau des cours de formation pour les employés qui travaillent dans les entreprises qui ont le français comme langue principale d’opérations internes (affichage, réunions, documents, main d’oeuvre).

Un tel programme serait nécessaire, et je vous offre un exemple pourquoi.

    • Mettons il existe deux sociétés en distribution de matériaux en construction en Saskatchewan.  Une société de langue anglaise compte 20 employés et existe depuis déjà 20 ans.  L’autre société francophone n’a que 4 employés, n’existe que depuis 2 ans, mais fonctionne à 100% à l’interne en français.  La société francophone veut faire concurrence avec la société anglophone.  Alors, puisque les opérations internes sont en français, il faut engager des francophones pour combler les postes de vendeur et du marketing.
    • Mais en Saskatchewan l’employeur n’arrive pas à trouver des francophones avec l’expérience nécessaires pour vendre ce genre de matériaux de construction assez particulier (pourtant, des anglophones qui ont de l’expérience avec ce matériel spécifique, il y en a à la pelle en Saskatchewan avec 10, 15 ou 20 ans d’expérience).
    • Cela veut dire que l’entreprise francophone fait face à deux choix difficles, et presque insurmontables :  (1) abolir les postes francophones et convertir les opérations en anglais pour se garder concurrentiel, or (2) embaucher des francophones/francophiles (locaux ou des immigrants) et de les former à un coût très élevé.  Mais les coûts de formation de six mois à un an (une formation sur le champ, et pas nécessairement dans une salle de classe) rendrait l’entreprise francophone non concurrentielle face à l’entreprise anglophone.
    • Pourtant, s’il existait des programmes de remboursement des coûts de formation (peut-être sur la masse salariale?) pour les entreprises francophones qui se trouvent dans une telle situation, cela pourrait inciter les entreprises francophones à « embaucher » et de « garder » les employés francophones.
  • Et finalement, les prestataires et fournisseurs hors Québec d’une certaine taille, qui désirent obtenir les contrats du gouvernement (soit du gouvernement fédéral, ou des quatre provinces et territoires qui opèrent en français tout comme en anglais) devrait embaucher un seuil minimum de francophones (dont les compétences linguistiques auraient été évaluées au préalable par un tiers neutre et impartial).

Personne ne semble vouloir parler de ces enjeux hors des huis clos.  Je suis entièrement reconnaissant qu’il s’agirait d’un changement de paradigme majeur pour ceux qui se préoccupent de ces sujets.  Pourtant, c’est un changement qui pourrait avoir lieu (et devrait avoir lieu).

Arrêtons de blâmer le Ministère de citoyenneté et de l’immigration du Canada (CIC).  Ce ministère ne devrait se servir d’outil pour faciliter l’entrée des immigrants une fois que toutes les autres fondations soient en place.

Franchement parlant, quant à CIC, ce n’est ni leur responsabilité, ni leur bataille.

Ai-je tort?

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S’il vous intéresse, voici le procès-verbal du témoignage de Mme. Kenny devant le Comité sénatorial permanent des
Langues officielles:  http://www.parl.gc.ca/content/sen/committee/412%5COLLO/04EV-51239-F.HTM

Le voici un petit aperçu de la volée d’attention médiatique qu’a obtenu le témoignage de Mme. Kenny suite à sa comparution:


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